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A propos du mot "autrice"

 

"Autrice" n'est ni un gros mot, ni un néologisme (contrairement à "auteure"). Il est en fait aussi vieux que son masculin "auteur". Mais le sort qui lui a été réservé a simplement été très différent. Il se portait plutôt bien jusqu'au XVIIè siècle, jusqu'à ce que de savants défenseurs de notre belle langue décident de le faire disparaître. En chef de file de l'opération, le Cardinal Richelieu qui institua L'Académie française, en 1634 sous Louis XIII. Ses missions : fixer la langue française, lui donner des règles, la rendre pure et compréhensible par tous. Elle doit dans cet esprit commencer par composer un dictionnaire. Voilà, comme ça on peut décider d'ériger les mots officiels et, par l'usage, d'évincer ceux qui nous gènent... Autrice est de ceux qui dérangent ; non par grincement phonétique - à l'époque le mot est courant et n'agresse les oreilles de personne - mais par soucis de déféminiser les métiers qui confèrent un pouvoir intellectuel, mais aussi social et politique. A l'époque, les femmes prennent de l'importance dans les cercles intellectuels et se réunissent dans de nombreux salons. Richelieu et ses copains décident alors de les ramener à leurs chiffons et de se partager tous les pouvoirs entre hommes. Autrice, pintresse, philosophesse, médecine, mairesse (et bien d'autres) disparaissent ainsi. 

 

Et pour asseoir leur suprématie linguistique, ils font entrer en vigueur cette chère règle du masculin, mise au point par le grammairien Nicolas Bauzée, selon qui : « le genre du masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle. » La règle de proximité, qui voulait que l'on accorde dans des listes de noms les adjectifs avec le genre et le nombre de la dernière occurence et qui prévalait auparavant, disparaît elle aussi. Ils vont jusqu'à inverser le genre de certains mots pour que douceur et faiblesse restent du côté féminin et que puissance et noblesse reviennent au masculin. Ainsi donc, on institue et infuse par la langue, la domination masculine et donc la soumission féminine.

 

Voilà. Aujourd'hui, donc, employer le mot "autrice" n'est pas une coquèterie mais une nécessité politique visant à réinstaurer l'égalité partout où elle n'est plus de mise. La langue est une méthode d'éviction très puissante et il est urgent de se la réapproprier !

 

Pour rappel : le "e" dans le néologisme "auteure" est muet (non, non, on ne dit pas "bonjour, je suis auteureu") et donc ne permet en aucun cas de rétablir le déséquilibre institué par Richelieu, Bauzée et toute la clique. Sachez que si ça vous pique un peu les oreilles et vous pince les lèvres au début, très vite ça sera comme dire : facteur / factrice, acteur / actrice ou encore directeur / directrice, c'est à dire, normal et naturel !

 

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